Sportifs de tous poils, by Emile LEFRANC Editions G.P.Paris Bibliothèque Rouge et Or

FICHE TECHNIQUE DU LIVRE

Auteur :   Emile   LEFRANC

PRIX JEAN PRÉVOST, DES ÉCRIVAINS SPORTIFS

Edition :   ÉDITIONS G.P., 80, RUE SAINT-LAZARE, PARIS

BIBLIOTHEQUE
ROUGE ET OR

est le cent-quatrième
DE LA BIBLIOTHÈQUE
ROUGE ET OR

ILLUSTRATIONS DE HENRI DIMPRE
Couleurs pleine page hors-texte nnotées et,
noir & blanc in texte.

Vous allez partir pour un grand reportage…   page 17
Il passa encore une fois victorieux…   page 29
Tout était sacrifié à la vitesse.   page 53
Le départ avait été bien donné.   page 61
Les jongleurs du Spitzberg étaient les maîtres.   93
Le goal du Mexique est intraitable
Là, à tour de rôle, les lapereaux lui livraient bataille.   103
Puis, le vieux musicien s’avança…   page 119
Deux Autruches au crâne chauve passèrent…   page 179

Il a été achevé imprimer
en Mai 1956 pour les
ÉDITIONS G. P. A PARIS

Photogravure S. T. O.

C. O. L. 11.0282     Dépôt légal n° 471

© Copyright 1956 by Éditions G. P. Paris

PRINTED IN FRANCE

Reliure :   Pelline ivoire, dos orné, plat décoré au balancier.
Jaquette à double volets avec texte.

Livre épuisé chez l’ Editeur

EXTRAIT   Sportifs de tous poils, by Émile LEFRANC page 13

  CE matin-là, j’étais triste. J’étais même très triste. J’avais mes raisons.
  Il pleuvait sur Paris. Je venais de manquer mon autobus. L’humidité pénétrait dans mes chaussures. Les semelles étaient trouées. En outre, je craignais d’être en retard. Pourtant, je m’étais levé très tôt. La paralysie de ma mère nécessitait chaque matin de grands soins et m’astreignait à des tas de besognes.
  Je n’avais pas encore 20 ans. Depuis plusieurs mois, je travaillais comme modeste rédacteur sportif dans une revue pour les jeunes.
  Mon père étant mort prématurément, je dus de bonne heure trouver un emploi. Mes études furent interrompues. Tout au moins celles qui se font dans une salle de classe, assis devant un professeur. Mais non les autres, celles de la vie et celles de mes rares moments de loisir.
  Ma mère m’adorait. Et je le lui rendais bien. Mais sa maladie accaparait une grande partie du temps que je ne passais pas au bureau.
  Nous étions pauvres. Nous étions même très pauvres. Le loyer, le charbon, un ressemelage : autant de petits drames. Ne parlons pas de l’achat d’un costume. Ma vieille gabardine était éliminée. Je me regardais parfois dans les vitrines. Là où il y avait vraiment des glaces, je n’osais m’examiner de trop près. Mon col était douteux, ainsi que ma cravate. Pauvre maman, ce n’était pas de sa faute! Elle ne pouvait se servir que d’un bras et clopinait péniblement à travers l’appartement. Quand elle pouvait se lever!
  En arrivant place Clichy, je vis dans un café des jeunes gens qui riaient en dévorant de longues tartines dorées et beurrées à souhait. Ils les trempaient ensuite dans une grande tasse fumante. Je tournai la tête et regardai l’affiche du Gaumont. Des gens faisaient la queue. Puis, je hâtai le pas. Je vis avec effroi qu’il était 9 heures et 7 minutes. Pourvu que le patron ne s’aperçoive pas de mon retard, pensai-je aussitôt!
  Feu rouge : il fallut s’arrêter, attendre avec patience, regarder le long défilé des voitures, ces globules du sang de Paris qui circulent en apportant sans cesse la vie dans toutes les artères.
  Je montai les escaliers quatre à quatre. Mes collègues écrivaient déjà ou compulsaient des notes.
  – Le patron vous demande.
  « Ça y est! » J’enlevai rapidement mon chapeau et ma gabardine qui sentait le chien mouillé. Je me trouvai très maigre.
  – Que me veut-il?
  – Est-ce que je sais? Vas-y, tu verras bien.
  On ne pouvait pas dire que j’étais mal avec mes collègues. Mais certains, surtout parmi les plus âgés, me jalousaient un peu.
  Mes rubriques sportives et fantaisistes à la fois intéressaient beaucoup nos jeunes lecteurs. Et, ceci dit sans vanité, je recevais un courrier assez flatteur. Le rédacteur en chef lui-même en prenait ombrage.
  J’étais vraiment trop jeune. Pour l’instant, je ne songeais pas à cela, mais à la colère du patron qui avait dû s’apercevoir de mon retard.
  C’était un homme très nerveux. Il s’emportait pour des riens. Fort heureusement, dans la minute suivante, il avait tout oublié. Je frappai timidement à la porte du bureau directorial.
  – Entrez!
  Tout ici respirait le confort. Une douce chaleur, des tapis moelleux, des fauteuils profonds où il aurait fait si bon se prélasser. Le patron, dans un costume impeccable, trônait derrière une table encombrée de papiers. Il personnifiait la santé, le bien-être, la joie de vivre et aussi l’autorité. Je remarquai son col et ses manchettes. Ils étaient blancs comme neige. J’avais un peu honte de ma tenue. Il me tendit la main. Je n’étais pas habitué à tant de prévenance. Aujourd’hui, son geste me surprenait encore davantage, à cause de mon retard.
  – Asseyez-vous Verdier. J’ai à vous parler.
  Le ton était sec. Inquiet, j’osais à peine m’asseoir.
  – Vous allez partir pour un grand reportage…
  – Mais…
  – Laissez-moi parler. Mon ami, vous avez du talent. Mais vous êtes un timide. Vous vous encroûtez. Il faut vous ventiler, Verdier, vous m’entendez, vous ventiler.
  – Je ne comprends pas, patron.
  – Vous allez comprendre.
  Il alluma une cigarette. Je me calai un peu mieux sur mon siège.
  – Voilà, reprit-il, je voudrais que vous me fassiez un reportage sportif dans le monde des animaux.
  – Mais les animaux ne font pas de sport.
  – Comment! Mais vous êtes donc aveugle, mon ami?
 

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