En route pour l’Himalaya, by Hans QUELING Editions de l’amitié – G.T. Rageot – Paris

FICHE TECHNIQUE DU LIVRE

Edition :   ÉDITIONS DE l’AMITIÉ – G. T. RAGEOT – PARIS

Collection « Le Livre T.V. »
N° 13 marque déposée.

ACHEVÉ D’IMPRIMER SUR
LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE
COMMERCIALE D’YVETOT
15.089

Dépôt légal N° 87
47 trimestre 1964
N° D’EDITION : 291

Traduction de P. Bressan

Illustrations de J. DAYNIÉ
noir & blanc in texte.

Photographies : Doumic -Atlas-Photo
Serraillier-Rapho

© 1947. Éditions de l’Amitié – G. T. Rageot

Tous droits de reproduction et d’adaptation
réservés pour tous pays.

Reliure : cartonné illustrée Photo couleurs recto.

Livre épuisé chez l’Editeur

EXTRAIT   En route pour l’Himalaya by Hans QUELING page 55

  Téhéran. La ville pourrait aussi bien se trouver quelque part en Europe. De larges rues, des autos, des agents, de belles
villas entourées de jardins. Des cafés, des restaurants, la plupart des gens dans la rue habillés selon la dernière mode européenne…
  Le soir on va sur la Promenade, on y rencontre des amis, on s’assied à la terrasse d’un café, on bavarde en écoutant un petit orchestre hongrois, tout comme en Europe.
  Mais qu’est-ce qui débouche de cette rue? Un groupe d’hommes? Mais non, un cortège précédé d’un drapeau noir. Les hommes ont le torse nu, peinturluré en rouge. Ils tiennent dans les mains des fouets, de courtes chaînes munies au bout de boules hérissées de pointes… et les voilà qui se mettent à se frapper le dos et la poitrine avec leurs instruments de torture, à grands coups cadencés par des roulements de tambours. Ils poussent des hurlements de douleur…, le rouge sur leur corps n’est pas de la peinture, mais du sang! Il coule à flots, transperce leurs pagnes et dégoutte à terre.
  En tête du cortège, on porte un mannequin de paille criblé de poignards et de flèches et enduit aussi de sang. Tandis que les hommes se lacèrent, ils contemplent le mannequin et clament :
  – Husseen! Husseen! Ils glapissent de douleur. .
  – Mais qui est ce Hussein? Et pourquoi cette procession macabre?
  – Husseen, ou Hussein, comme on dit ici, fut un calife, un grand chef religieux, nous explique un Persan. Il a été tué il y a quatre cents ans par un adversaire. Ses partisans commémorent ainsi le jour de sa mort.
  -Je vais vite prendre une photo, dit Max en sortant son appareil. Mais déjà un agent l’a saisi par le bras et une foule d’hommes se précipitèrent sur lui.
  – Dites à votre camarade qu’il rentre tout de suite son appareil, nous dit le Persan. Qu’il se garde de photographier ces hommes.
  Nous crions à Max d’abandonner la photographie, il a du reste saisi lui-même de quoi il retourne.
  – Ces hommes deviendraient fous de rage si on photographiait leur procession de deuil, nous explique le Persan. Les mahométans en général n’aiment pas la photo, parce que le Coran leur interdit de reproduire des images des « choses qui sont entre ciel et terre ». Et il est évident qu’ils peuvent d’autant moins la souffrir en une telle occasion. Il y a quelques années, ils ont tué un Américain simplement parce qu’il s’était obstiné à les photographier!
  Le cortège passe. Certains suppliciants chancellent de douleur et d’affaiblissement. Un nuage de poussière entoure le défilé et le cache parfois complètement à nos yeux. On n’entend plus alors que le roulement du tambour et les hurlements des hommes.
  La procession disparaît dans une rue latérale, tout redevient calme; seules quelques gouttes de sang dans la poussière témoignent encore de ce qui vient de se passer.
  L’orchestre hongrois reprend la valse qu’il avait interrompue. Mais nous n’avons plus le sentiment d’être en Europe.
  Max cependant ne renonce pas à sa photo. Il tient à avoir un cliché de ces hommes sauvages. Puisqu’il ne peut le faire ouvertement, il le fera en cachette. Il suit durant des heures le cortège à travers les ruelles, sans parvenir à son but. L’idéal serait de les photographier d’une fenêtre, mais nous ne connaissons personne dans la ville. Et puis on ne le lui permettrait pas si facilement, même s’il avait de bons amis, car, si son geste était découvert, on n’en pourrait prévoir les conséquences. Ces hommes sauvages seraient sans doute capables de démolir la maison.
 

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