L’enfant des mers, by Paul-Loup SULITZER, Le Grand Livre du Mois Dépôt légal 1993

FICHE TECHNIQUE DU LIVRE

Edition :   Le Grand Livre du Mois

Imprimé en France

N° d’édition : 5607 – N° d’impression : 6463H-5
54-02-4212-93/4

Cet ouvrage a été réalisé
par C.M.L., Montrouge

Impression réalisé sur CAMERON par
BRODARD ET TAUPIN
La Flèche
pour le compte des Éditions Stock
en juin 1993

© 1993, Éditions Stock.

Reliure :   Brochée sur carton souple par Brun.  
Conception-illustration : BBA (Lyon)

Prix neuf Editeur = 140,00 FF TTC.

CITATION

  « Quand un homme accomplit une chose extraordinaire, tout à fait hors de proportion avec sa nature, c’est, sept fois sur neuf, qu’il y a une femme… Quant aux deux exceptions, elles peuvent s’expliquer par une insolation. »

  RUDYARD KIPLING,
His Chance in Life
(Siùmples Contes des collines)

EXTRAIT   L’Enfant des Sept Mers, by Paul-Loup SULITZER page 329

  Cela faisait une vingtaine de minutes que le détachement progressait au milieu d’entrepôts. Il déboucha sur une espèce de rue. L’endroit n’était d’aucune façon familier à Kaï. Il lui semblait toutefois sentir l’odeur du fleuve que son sens de l’orientation, si aigu, lui faisait situer sur sa gauche. Nous serons toujours dans la concession française, pensa-t-il, mais tout au bout de celle-ci, peut-être pas très loin de l’établissement des Jésuites.
  – Khou vous traque depuis deux mille kilomètres?
  – Plus que cela, avec les détours. En trois ou quatre occasions, nous avons cru l’avoir dépisté mais il nous a toujours retrouvés. Comme si quelqu’un parmi nous le renseignait.
  – C’est possible?
  – Tout est possible. Mais tous nos gardes du corps sont des hommes du Shaanxi, au service de notre famille depuis plus de mille ans. Khou n’est pas le seul à avoir essayé de nous capturer et de s’emparer de la collection, mais il s’est montré de loin le plus persévérant et le plus rusé.
  – Il est vraiment dangereux?
  – A Canton, il a pris quatre membres de ma famille en otages. Jurant de nous les rendre si nous lui remettions la collection. Pour preuve de sa détermination, il nous a renvoyé l’un de ceux qu’il avait pris. Une jeune fille de seize ans. Il l’avait pelée vivante. C’était ma soeur. Nous n’avons pas cédé.
  Trois hommes se matérialisèrent soudain, sortant de recoins obscurs. Ils firent signe que la voie était libre.
  – Combien de gardes du corps en tout?
  – Il nous en reste vingt-trois.
  – Sur combien?
  Une soixantaine. Et onze membres de la famille avaient péri en cours de route.
  – Khou est à Shanghai?
  – Nous espérons que non. Mais Shanghaï contient des dizaines de Khou, qui disposent de milliers d’hommes de main. Je comprendrais fort bien que vous refusiez de nous embarquer, capitaine O’Hara.
  – Amusant, dit Kaï. Et appelle-moi Kaï, s’il te plaît.
  On longea un mur d’enceinte, que surveillaient deux autres sentinelles, Kaï franchit une porte étroite dans ce mur et se trouva devant une chapelle. Nous sommes bel et bien chez les Jésuites, décidément je suis traqué par les missionnaires.
  Un homme au beau visage lisse, portant tunique noire et argent, et natte blanche. PLu de cinquante ans. Kaï s’inclina, l’homme lui plaisait, qui s’appelait Sun Wu et était tout à la fois le père de Son, le chef de l’étonnante caravane qui avait parcouru peut-être cinq ou six mille kilomètres à travers la Chine, gardant farouchement un trésor assemblé en cinq siècles, qui avait vu mourir une douzaine de membres de sa famille et près de quarante gardes du corps sans penser une seconde à livrer ce trésor, ou plus simplement encore à le vendre, ce qui lui eût épargné toutes ces vicissitudes, Kaï n’en doutait pas. Transformer les céramiques en bon argent, confier cet argent à une banque, au besoin étrangère et non chinoise, le faire transférer n’importe où dans le monde, tout cela eût été probablement possible. Si l’Excellence ne s’y était pas résolue, c’était qu’à ses yeux sa vaisselle valait bien plus que de l’argent.