………. A travers bois. ……….

Les bois. Quelles merveilleuses journées de vacances ils nous rappellent! Ils offrent tant de plaisirs à qui les aime.
1. Il était si content, le petit Jack, si fier d’accompagner le garde à travers bois, de marcher à côté de cet homme terrible, redouté aux alentours, à qui son fusil, passé en
bandoulière, donnait une physionomie belliqueuse!… (1)
2. Pendant ces tournées forestières, le garde et l’enfant ne se parlaient pas, la grande symphonie (2) des bois les envahissant. Selon les essence (3) d’arbres qu’il
secouait, le vent transformait son haleine et sa plainte. Dans les pins, c’était une houle de mer, un souffle long; dans les bouleaux, dans les trembles, un cliquetis frémissant
qui laissait les rameaux immobiles, mais passait sur les feuilles en mille notes métalliques; et du bord des étangs, nombreux dans cette partie de la forêt, venaient des frôlements
doux, le froissement des roseaux inclinant l’un vers l’autre leurs longues lances satinées.
Par là-dessus, le rire strident (4) des pies, les coups de bec des piverts,
le cri mélancolique des coucous, tous ces bruits vagues qui montent de quatre à cinq lieues de feuilles. Jack les avait toujours dans les oreilles, ces bruits délicieux, et il les aimait.
3. Pourtant, à courir ainsi la forêt tout le jour en compagnie du garde, il s’était fait des ennemis. Il se trouvait là, à la lisière, une population de braconniers à
qui la vigilance (5) d’Archambauld faisait la vie très dure et qui lui avaient voué une haine à mort. Sournois et poltrons, quand ils le rencontraient sous bois, ils le saluaient d’un
coup de chapeau où l’enfant avait sa part; mais quand celui-ci rentrait tout seul, c’était à qui lui montrerait le poing.
4. Il y avait surtout une grande vieille, appelée la mère Salé qui, avec sa tête régulière et creusée, sa peau de vieille squaw (6), rouge comme le sable des carrières,
ses lèvres minces et rentrantes, poursuivait Jack jusque dans ses rêves. Lorsqu’il quittait le garde au coucher du soleil pour revenir aux Aulnettes (7), il trouvait toujours sur son
chemin, assise au revers d’un fossé, la vieille voleuse de bois, chargée de son fagot, comme ce Nicodème fantastique (8) qu’on fait voir aux enfants dans la lune… Elle l’attendait au
passage sans bouger, laissait passer l’enfant qui se retenait de courir; alors, d’une voix traînante, avec sa prononciation vulgaire de l’Ile-de- France, elle lui criait :
« Eh! dis donc, toué là-bas!… Pourquoué donc tu files si fort? Je t’ons ben vu, va!… Attends un peu que je t’affûte le nez avec ma sarpe… »
Puis elle se levait, s’amusait à lui faire peur, à lui donner une chasse, comme elle disait, en faisant semblant de le poursuivre, la serpe haute. Jack entendait son pas
pressé, le frottement du fagot sur le sol, et il rentrait, haletant, suffoqué. Mais ces terreurs ne donnaient que plus de poésie à la forêt en ajoutant à sa grandeur l’attrait mystérieux
du danger.
ALPHONSE DAUDET (Nimes 13 mai 1840- Paris 16 décembre 1897) (Jack.)
CHERCHONS ENSEMBLE
Jack a un ami, le garde; il a une amie, la forêt. Essayez de deviner ce que l’enfant admire et aime dans le garde.
Le garde lui a appris à aimer la forêt. Qu’aime-t-il dans la forêt? Les ennemis du garde sont aussi ceux de l’enfant. Lesquels? Pourquoi? Pourquoi le garde a-t-il des
ennemis?
L’enfant et la vieille femme. POurquoi l’enfant a-t-il peur d’elle? Pensez-vous que cette vieille est vraiment redoutable?
Aimez-vous le silence des bois? Avez-vous écouté le bruit du vent dans les arbres? On a comparé souvent la forêt à une église dont les arbres sont les piliers et les voûtes.
Dans le silence des bois, la prière, les chants d’un feu de camp ne sont-ils pas émouvants?
SENS DES MOTS
1. Une physionomie belliqueuse : guerrière, un air de combattant.
2-3. La symphonie des bois : l’ensemble des bruits agréables à l’oreille, bruits du vent dans les arbres selon leurs essences, leurs espèces.
Essayez de comprendre le sens exact d’une houle, d’un cliquetis, de notes métalliques (consultez le dictionnaire).
4. un cri strident : très aigu et fort.
5. La vigilance du garde… Il veillait avec soin, surveillait tous les coins de la forêt.
6-8. Une squaw est une femme peau-rouge. La vieille est comparée à un homme fantastique : qui n’existe que dans l’imagination. Elle prononce les mots
d’une façon vulgaire : comme les gens du peuple, les paysans.
7. Les Aulnettes, c’est le nom de la maison où habite Jack.
CHERCHEZ SEULS
1. Les braconniers détestent le garde. Quels détails le montrent? Ils sont poltrons et sournois. Quels détails l’indiquent?
2. Faites le portrait de la mère Salé d’après le texte.
3. Relevez la phrase qui laisse deviner que l’enfant aime avoir peur.
4. Dans le paragraphe 2, relevez : deux noms ayant à peu près le même sens; les noms exprimant des bruits.
5. Expliquez : tournées forestières; lances satinées des roseaux; cri mélancolique; haletant.
RÉDACTION. – Dans les bois, au jardin, tout fait silence. J’écoute. Qu’entendez-vous?
DICTÉE (Paragraphe 2 jusqu’à : lances satinées). – Préparation: symphonie, envahissant (participe présent invariable); essence, haleine, plainte, houle,
cliquetis; Quel est le sujet du verbe venaient? Accord des verbes et des adjectifs, Mille.
GRAMMAIRE : Le verbe et son sujet.
Le verbe indique l’action. C’est le moteur de la proposition. Le sujet fait l’action indiquée par le verbe.
1. Dans la dictée, encadrez les verbes en rouge et les sujets en bleu.
2. Relevez les verbes sur trois colonnes : 1er groupe; 2ème groupe; 3ème groupe.
3. Ecrivez ces verbes à la 1ère personne du singulier et du pluriel (je, nous) du présent de l’indicatif.
4. Relevez les verbes et leurs sujets sur deux colonnes : sujets au pluriel; sujets au singulier. Quels sont les verbes au participe présent (ant.)?
Ont-ils un sujet? Sont-ils variables?
5. Relevez une inversion du sujet, une proposition sans verbe (Le verbe est alors sous-entendu).
6. Ecrivez trois actions : du vent dans la forêt; de trois petites bêtes des bois; de trois travailleurs du bois. Encadrez en rouge les verbes qui indiquent les
actions et en bleu les sujets qui font ces actions.
CONJUGAISON – Verbes : passer, avoir, secouer, envahir, entendre, 3è personne du singulier et du pluriel; indicatif présent, imparfait, futur simple.
source
LES ÉDITIONS DE L’ÉCOLE
Sur la Piste
Classes de 8è et 7è
H. FILLOUX