………. LE TAMBOURINAIRE ……….
A. DAUDET, d’origine méridionale, a un esprit vif et une âme délicate. Avec fraîcheur et gaieté, il a su peindre de son pays natal le pittoresque et les types
originaux.
VRAIMENT, il avait belle mine, ce Valmajour, planté au milieu du cirque, sa veste de cadis jaune sur l’épaule, autour des reins sa taillole d’un rouge vif tranchant sur l’empois
blanc du linge. Il tenait son long et léger tambourin pendu au bras gauche par une courroie, et de la main du même bras portait à ses lèvres un petit fifre, pendant que, de sa main
droite, il tambourinait, l’air crâne, lz jambe en avant.
Tout petit, ce fifre remplissait l’espace comme un branle de cigales, bien fait pour cette atmosphère limpide,
cristalline, où tout vibre, tandis que le tambourin, de sa voix profonde, soutenait le chant et ses fioriture.
Au son de cette musique aigrelette et sauvage, mieux qu’à tout
ce qu’on lui montrait depuis qu’il était là, Roumestan voyait se lever devant lui son enfance de gamin provençal courant les fêtes de campagne, dansant sous les platanes feuillus des
places villageoises, dans la poudre blanche des grands chemins, sur la lavande des côtes brûlées. Une émotion délicieuse lui piquait les yeux…
Au son de cette musique
aigrelette et sauvage, mieux qu’à tout ce qu’on lui montrait depuis qu’il était là, Roumestan voyait se lever devant lui son enfance de gamin provençal courant les fêtes de campagne,
dansant sous les platanes feuillus des places villageoises, dans la poudre blanche des grands chemins, sur la lavande des côtes brûlées. Une émotion délicieuse lui piquait les yeux…
Et puis ce Valmajour n’était pas un tambourinaire comme les autres, un de ces vulgaires ménétriers qui ramassent des bouts de quadrilles, des refrains de cafés chantants
dans les fêtes de pays, encanaillant leur instrument en voulant l’accorder au goût moderne. Fils et petit-fils de tambourinaires, il ne jouait jamais que des airs nationaux, des airs
chevrotés par les grand-mères aux veillées; et il en savait, il ne se lassait pas. Après les Noëls de SAboly rythmés en menuets, en rigodons, il entonnait la Marche des rois,
sur laquelle Turenne, au grand siècle, a conquis et brûlé le Palatinat. Le long des gradins où des fredons couraient tout à l’heure en vols d’abeilles, la foule électrisée marquait la
mesure avec les bras, avec la tête, suivait ce rythme superbe qui passait comme un coup de mistral dans le grand silence des arènes, traversé seulement par le sifflement éperdu des
hirondelles tournoyant en tous sens, là-haut, dans l’azur verdissant, inquiètes et ravies comme si elles cherchaient à travers l’espace quel invisible oiseau décochait ces notes suraiguës.
Quand Valmajour eut fini, des acclamations folles éclatèrent. Les chapeaux, les mouchoirs étaient en l’air. Roumestan appela le musicien sur l’estrade et lui sauta au cou :
« Tu m’as fait pleurer, mon brave! »
Valmajour salua sans un mot, tourna les talons et descendit le large tapis de l’estrade, sa caïpe sur le bras,
la tête droite, avec ce léger déhanchement du Provençal, ami du rythme et de la danse.
ALPHONSE DAUDET (Nimes 13 mai 1840- Paris 16 décembre 1897) (Numa Roumestan, Fasquelle.)
Lecture.
Dans l’ensemble, un ton léger, comme le fifre… De l’émotion dans le deuxième paragraphe. En revanche, ne pas craindre
de marquer l’enthousiasme de cette foule provençale, avec ses gestes, ses cris…
La fin de la dernière phrase sera dite sur un rythme dansant.
Mots et expressions.
Consultez votre dictionnaire : cadis – empois – fioriture – ménétrier – menuet – rigodon – mistral – arène.
Explications. – Taillole : très large ceinture de flanelle rouge s’enroulant autour de la taille, qu’elle souligne.
L’air crâne : vif et décidé.
Un branle de cigales. Toutes les cigales chantant ensemble font vibrer l’zatmosphère de leur stridulation aiguë.
Encanaillant leur instrument : l’avilissant pour complaire au goût du vulgaire.
L’azur verdissant. Le ciel était d’une telle pureté, d’une telle transparence, que sa pâleur lui donnait une nuance plutôt verte que bleue.
Idées et sentiments.
Comment ce fifre tout petit pouvait-il remplir l’espace?
Pourquoi l’émotion piquait-elle les yeux de Roumestan?
Vous est-il arrivé de vous sentir ému de cette façon? En quelle occasion?
Comment votre émotion s’est-elle traduite?
Pourquoi Valmajour n’était-il pas un Tambourinaire comme les autres?
Pourquoi les chapeaux, les mouchoirs, étaient-ils en l’air?
Avez-vous assisté à une manifestation d’enthousiasme se traduisant de cette façon? Où vous trouviez-vous (pays, époque, assistance…)?
Pourquoi Roumestan a-t-il pleuré? Pourquoi a-t-il sauté au cou de Valmajour?
Vocabulaire.
Donn Citez cinq noms de danses régionales en indiquant dans quelles provinces elles se dansent rencore.
ez cinq noms d’artistes jouant d’un instrument de musique.
Citez cinq noms de danses régionales en indiquant dans quelles provinces elles se dansent rencore.
Des frelons couraient. Quels adjectifs peuvent qualifier des fredons – le chant du fifre – les sons du tambourin – le rythme du menuet?
Élocution et rédaction.
1° Exercice oral. – Vous avez assisté à une fête enfantine égayée par des chants mimés. Evoquez l’un de ces « numéros ». Faites-le revivre avec toute la
précision et toute la fidélité possibles.
2° Exercice écrit. – Vous avez entendu un musicien ou un chanteur en plein air. Présentez-le : son costume, son attitude; son jeu, les échos qu’il trouve
dans ces auditeurs.
source = BELLES PAGES DE FRANÇAIS
LIBRAIRIE LAROUSSE . PARIS – 6°
CHARLES PENZ Inspecteur de l’Enseignement primaire Docteur ès lettres   MARCEL PIEUCHARD Inspecteur de l’Enseignement primaire